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LÉONARD DE VINCI (1452-1519)
et ses mesures « parfaites »
Vers 1490, Léonard de Vinci décide de dessiner l’homme « de Vitruve », autrement dit :
« l’homme parfait ».
Tout en reprennant les idées de la statuaire de l’Antiquité gréco-romaine, il le dessine dans deux positions, jambes jointes et jambes écartées, bras tendus et bras levés. Il le représente avec des proportions calculées
(de manière mathématique)
pour que son corps puisse s’inscrire dans les deux formes géométriques « parfaites » que sont le carré et le cercle. Même son nombril est au centre du cercle (d’ailleurs, au pied de l’homme se trouve une échelle de calcul).
Léonard de Vinci
Homme de Vitruve,
vers 1492
Plume, encre et lavis sur papier
LÉONARD DE VINCI (1452-1519)
et ses mesures « parfaites »
Cette œuvre s’inspire d’un traité d’architecture antique rédigé par l’architecte et ingénieur militaire Vitruve (c. 90 - c. 20 avant J.-C.), où ce dernier décrit justement, comment un corps humain idéal, présente des proportions idéales, mais irréalistes, peut servir d’unité de mesure, pour construire des édifices.
Pourtant, ce système de mesure est difficile à appliquer.
Car en réalité, chaque être humain a une taille et une morphologie différentes.
Impossible de se baser sur un corps « normal » pour concevoir des édifices !
Léonard de Vinci
Homme de Vitruve,
vers 1492
Plume, encre et lavis sur papier
REMBRANDT (1606 - 1669)
Quand l’anatomie fascine
Dès la Renaissance, les sciences, la médecine… basées sur l’expérimentation s’intéressent à
l’anatomie
et au
fonctionnement du corps humain
qui se voit découvert, ouvert, écorché, disséqué. On s’intéresse à l’intérieur. Les musculatures sont davantage proches de la réalité.
Peinte en 1632 par Rembrandt,
La Leçon d’anatomie du Docteur Tulp
, scène de dissection d’un corps, appartient au mouvement Baroque.
À la Renaissance, les peintres sont désormais en qûete de ressemblance avec la réalité du corps humain.
Rembrandt utilise la technique du clair-obscur, un jeu d’ombre et de lumière emprunté au Caravage qui montre que pas un souffle de vie ne circule sous la peau du défunt blafard.
En créant un contraste avec le noir des habits, le cadavre peint au blanc de plomb met en valeur les visages et donne une dimension mystique à l’ensemble.
Rembrandt
La leçon d’anatomie du Docteur Tulp
, 1632
Huile sur toile
L’artiste-réalisateur chinois Cao Shu
crée en 2018 un
stop-motion retraçant l’histoire de l’art de l’Égypte antique à nos jours
en seulement une minute : la vidéo se termine sur des styles artistiques plus contemporains inspirés d’artistes comme Modigliani, Basquiat ou encore Picasso.
One minute art history
, 2018
©
Cao Shu - 2018
NIKI DE SAINT-PHALLE (1930-2002)
l’hommage au corps rond et libéré
C’est avec les
Nanas
que Niki de Saint-Phalle connaît sa plus grande popularité. Grande voyageuse et de nature curieuse, l’artiste passe la plupart de son temps à lire et à visiter des musées, cela lui permet de rassembler un vocabulaire de formes et d’images puisé dans une nature imaginée.
Inspirées des figurines féminines paléolithiques, les
Nanas
représentent des femmes aux formes généreuses,
loin des canons esthétiques de l’époque et d’aujourd’hui.
Elles adoptent des postures festives, dynamiques, elles sont des images éternelles de la maternité triomphante et
la féminité
. En envahissant l’espace public
ces
Nanas
posent la question de la place de la femme dans la société du XXème et dans l’histoire de l’art.
C'est l'exemple parlant de la libération du corps
de la femme et de l'acceptation de soi.
Niki de Saint-Phalle
Nana noire, upside down
1965-66
Peinture, laine,
tissu sur grillage
Niki de Saint-Phalle inspirée !
La Vénus paléolithique représente un corps féminin idéalisé apte à procréer. Ces « Vénus », sont pour certaines datées de plus de 30.000 ans, époque de la dernière période glacière.
Ces figurines étaient censées représenter la déesse mère, symbole de la fertilité : des statuettes d’une taille allant de 6 à 16 centimètres, représentant des femmes en surpoids.
Les représentations du corps pendant la Préhistoire montrent des femmes potelées aux formes adipeuses :
ces qualités
étaient exagérées pour montrer le désir de fécondité et le besoin de perpétuer l’espèce.
Vénus de Willendorf
(Paléolithique)
Pour moi, mes sculptures représentent le monde
de la femme amplifiée, la folie des grandeurs des femmes,
la femme dans le monde d’aujourd’hui,
la femme au pouvoir.
Niki de Saint-Phalle (1965)
ET DÉJÀ EN 1814 ...
Les vertèbres supplémentaires
de
La Grande Odalisque…
Ingres, peintre néo-classique, réalise
La Grande Odalisque
en 1814. Il avait l’art
de se jouer de la réalité
pour créer
d’improbables canons de beauté.
Si le corps de cette femme de harem nous fascine, c’est qu’il est beaucoup trop long :
la jeune femme a trois lombaires et deux vertèbres de trop
. Les proportions du modèle font jaser depuis fort longtemps. L’hypothèse de trois vertèbres de trop avait déjà été émise. Ce qui donne un angle peu naturel formé par la jambe gauche. Ingres préfère ainsi volontairement sacrifier la vraisemblance à la beauté. Le rendu de la peau, l’incarnation, est accentué par le rendu des tissus.
Pour en avoir le cœur net, le médecin Jean-Yves Maigne, de l’Hôtel-Dieu, aidé de Gilles Chatelier de l’hôpital Georges Pompidou, et l’historienne de l’art Hélène Norlöff, ont pris des mesures sur neuf modèles vivants. La taille de leur tête et la longueur de leur dos ont été mesurées dans la même position que celle de l’Odalisque d’Ingres, en tenant compte de la perspective adoptée par le peintre.
Résultat
: la Grande Odalisque a subi une élongation du dos de plus de 8 cm et du bassin de presque 7 cm. Ces 15 cm correspondent à trois lombaires et deux vertèbres sacrées (constituant le sacrum).
La position de la Grande Odalisque, son inclinaison, la rotation de son bassin, ne serait pas possible sans ces centimètres supplémentaires, notent Maigne et ses collègues. L’un de ses bras a lui aussi été allongé. La volupté du corps contraste ainsi encore plus fortement
avec la tristesse du visage
.
Jean-Auguste
Dominique Ingres
(1780-1867)
La Grande Odalisque
,
1814
ANGELICA DASS
l'immense mosaïque humaine
Pour son projet intitulé
Humanae
, la photographe brésilienne a tenu à mettre en valeur
toutes les couleurs de peau.
Elle parcourt le monde pour immortaliser des volontaires de toutes origines et de tous âges, donnant lieu à
un nuancier de couleurs
inspiré de ceux créés par l’entreprise américaine Pantone.
Une fois la photo prise, l’artiste fait correspondre le teint du modèle à une teinte Pantone, en prenant un pixel de 11 x 11 de son visage. Le portrait est ensuite placé sur un fond de cette couleur, et le numéro de nuance Pantone est ensuite ajouté au bas.
Angélica Dass a expliqué que le but ultime d'
Humanae
agisse comme une plate-forme de discussion sur
l’identité « indépendante de facteurs tels que la nationalité, l’origine, le statut économique, l’âge ou les normes esthétiques »
.
Un ambitieux projet de la part de l’artiste, débuté en 2012 et qui évolue quotidiennement, qui milite contre les discriminations et les stéréotypes liés à la couleur de peau, en ayant à cœur de faire évoluer les mentalités.
À ce jour, Angélica Dass a réunit dans son œuvre plus de 2 500 carnations de peau.
Angélica Dass
Humanae
Projet évolutif depuis 2012
BECCA SALADIN
du portrait historique au visage actuel
Becca Saladin est une graphiste américaine.
Depuis 2020, elle travaille sur une série photographique intitulée
Royalty Now
– un projet où elle tente de recréer des personnages historiques célèbres en les rendant actuels. Sur Instagram, elle imagine à quoi ressembleraient les personnalités historiques aujourd’hui, grâce à des artifices numériques.
Le but ? Se rendre compte à quoi ressemblaient vraiment les personnalités de l’époque, si elles vivaient de nos jours, et surtout
avec les standards de beauté du XXI
ème
siècle à l’ère des réseaux sociaux
: la carnation de la peau est plus claire, le visage est rajeuni, filtré, les défauts sont gommés et les coiffures tendances. L’artiste joue également sur les codes vestimentaires de notre époque, et les postures du corps des réseaux sociaux : des poses plus langoureuses.
Becca Saladin
Royalty Now
, 2020
De haut en bas, et de gauche à droite :
William Shakespeare, La Joconde, Marie-Antoinette,
Anne Boleyn, Henri VIII et Catherine d’Aragon
MissMe (exposition NobELLES)
l’intelligence du regard, la sagesse des rides
MissMe s’est fait connaître comme artiste de rue avec des œuvres éphémères sur les murs de la ville de Montréal, des autoportraits nus et masqués. Elle ne révèle pas son identité, ni dans ses œuvres, ni en public.
Le Planétarium de Montréal lui a commandé en 2023 une série d’oeuvres pour bâtir une exposition dont le but est de mettre en valeur des femmes de science, mais que l’histoire a oubliées.
Parce que passées sous le radar en raison de leur genre, de leur statut ou de leur appartenance raciale,
NobELLES
cherche à mettre en lumière ces femmes, à notre époque où les hommes dominent encore cette sphère.
MissMe, NobELLES, Lise Meitner, 2023
Lise Meitner
(1878-1968),
physicienne austro-suédoise fut nommée 49 fois au prix Nobel, sans
jamais le remporter. Ses travaux sont de ceux qui conduiront à la fission
nucléaire. Lors d’une visite aux États-Unis en 1946, elle a été traitée
comme une célébrité de la presse américaine, comme quelqu’un qui
avait « quitté l’Allemagne avec la bombe dans mon sac à main ».
J’étais vraiment contente de faire le dessin d’une femme plus
âgée. L’effacement des femmes après un certain âge, ça me
révolte personnellement; et j’ai eu un vrai plaisir à dessiner
la beauté de cette femme avec ses rides et l’intelligence
dans son regard.
MissMe (2023)
XIX
e
SIÈCLE : la vielliesse, synonyme de laideur
L’exemple parlant de GOYA (1746-1828)…
Au premier plan, deux vieilles femmes regardant dans un miroir. L’une, à droite, est habillée avec une robe blanche à fleurs dorées et aux noeuds bleus, parée de bijoux perlés. Son apparence vestimentaire est lumineuse et ses cheveux blonds bien coiffés ne possèdent aucun indice de vieillesse. Pourtant, son visage creusé, son nez crochu, son thorax squelettique, et ses mains veineuses nous montrent le contraire. Son corps possède tous les indices nécessaires pour comprendre son âge avancé.
Son regard reste figé sur le miroir que tend une deuxième femme. Celle-ci est habillée en noir et porte une guimpe (voile de deuil). Ce dernier élément explicite la perte d’un proche, sûrement le mari. Les mèches de cheveux qui se distinguent par contraste montrent la négligence de soi-même. Pourtant,elle porte à sa main droite des bijoux, signe d’un passé riche. Son visage est métamorphosé en une espèce de morte-vivante. Elle montre ce miroir sur lequel est écrit « Que tal »,
« Comment ça va ? » en espagnol.
Enfin, en arrière-plan, nous voyons un vieil homme ailé, aux yeux obscurs avec un balai. Il s’agit de Chronos, dieu du Temps dans la mythologie grecque typiquement représenté comme un vieil homme sage dans la peinture contemporaine. Son rôle au sein de la peinture n’est pas anodin. Dieu capable de voir dans l’avenir, nous pouvons interpréter ce tableau comme une vision pour ces deux jeunes femmes.
Dieu leur permet de voir dans une caricature d’elles-mêmes, la médiocrité de leur comportement.
Francisco Goya
Les Vieilles ou Le Temps
,
Huile sur toile,
Palais des Beaux-Arts de Lille
ET EN 2023 : Éloge du « bel âge »
Apo Whang-Od, 106 ans
En plus de figurer en couverture du
Vogue Philippines
, le portrait d’Apo Maria Whang-Od Oggay fait le tour des médias internationaux depuis sa sortie en avril 2023.
Et pour cause,
le monde occidental n’est pas habitué à voir représentées des personnes âgées
(de plus de 25 ans !) en une de magazines.
Cette femme, tatoueuse et tatouée, est la plus vieille personne à apparaître en couverture de Vogue
qui, élément à souligner, ne l’a pas choisie pour un numéro spécial seniors mais
pour leur “numéro Spécial Beauté”
.
Apo Whang-Od
Couverture de Vogue Philippines,
avril 2023
Chacun perd en avançant dans l’âge, et les femmes plus que
les hommes. Comme tout leur mérite consiste en agréments
extérieurs, et que le temps les détruit, elles se trouvent
absolument dénuées : car il y a peu de femmes dont le mérite
dure plus que la beauté.
Madame de Lambert extrait du Traité de la vieillesse (1727)
Vincent van Gogh (1853-1890)
À la porte de l’éternité ou Vieil
homme pleurant
, 1890
Huile sur toile, 80 x 64 cm
© Musée Kröller-Müller, Otterlo (Pays-Bas)
Ron Mueck
Mass
, 2017
Fibre de verre et résine, dimensions variables
Vue d’exposition / National Gallery of Victoria, Melbourne
© Photo Marc Domage
ROMAN OPALKA (1931 - 2011)
ou « le chiffrage d’une vie »
Roman Opalka, artiste franco-polonais attendit toute sa vie ce moment inéluctable qui viendrait conclure sa grande oeuvre : à partir de 1965, il entame la série
Détail sous titrée 1965 / 1 – ∞.
La fin de chaque journée est ponctuée par la capture d’un autoportrait photographique : même format (24x30,50 cm), en noir et blanc, selon la même pose. La juxtaposition des portraits successifs et des toiles en contrepoint sont, depuis cette date, la seule expression de son travail,
un processus, universel de notre existence : on voit le visage d’Opalka, pâle, vieillir peu à peu en se rapprochant de la mort. Son but ?
Inscrire dans son travail, la fuite du temps et l’avancée vers le néant blanc.
Roman Opalka
« Détail » 1965 / 1 – ∞
Palais des Beaux-Arts de Lille
ROMAN OPALKA (1931 - 2011)
ou « le chiffrage d’une vie »
Roman Opalka
(1931-2011)
OPALKA
, 1965, série / 1-
∞ Détail 993460 - 10178751
2023 : ALPER YESILTAS
Quand les filtres numériques
jouent avec notre perception…
Enfants, nous rêvions tous déjà de savoir à quoi nous ressemblerions une fois adultes.
Dans sa série intitulée
Young Age(d)
,
Alper Yesiltas photographe turc,
utilise, en base graphique, les filtres numériques mais aussi le logiciel Remini pour améliorer la qualité des photos ainsi que Lightroom et l’application VSCO pour retravailler les images en post-production.
Le titre de son oeuvre parle d’elle-même :
Young Age(d)
est un mixte de « jeune âge » et de « jeune âgé »… Tout un programme !
Déjà en 2022, l’artiste avait imaginé sa série
Comme si rien ne s’était passé
en vieillissant les visages de célébrités disparues (Michael Jackson, Lady Diana, Freddie Mercury, Amy Winehouse…). Cette série de portraits est particulièrement bluffante car elle donne l’impression que toutes les personnes sélectionnées sont passées devant l’objectif du photographe. Il fait revivre les disparus.
Aujourd’hui, la jeune génération d’artistes essaie de contrebalancer les effets du temps.
Si la « jeunesse numérique » lutte contre les effets du viellissement à l’aide d’outils technologiques, les jeunes artistes veulent réhabilter la sagesse et la bienveillance associées au « Bel âge ».
Alper Yesiltas
Série Young Age(d)
Robert Pattinson, 2023
Alper Yesiltas
Série Young Age(d)
Greta Thunberg, 2023
Alper Yesiltas
Comme si rien ne s’était passé
Michael Jackson, 2022
Alper Yesiltas
Comme si rien ne s’était passé
Janis Joplin, 2022
La vieillesse est progressive pour une seule raison : qu’elle nous soit supportable. Et pourtant : en 2019, Snapchat introduit Time Machine (Machine temporelle), un nouveau filtre vieillissant façon FaceApp.
Dans les faits, la fonctionnalité propose à ses utilisateurs de se faire vieillir en faisant simplement glisser un curseur sur leur écran. Comme Snapchat l’indique dans son communiqué de presse, le filtre repose sur l’utilisation d’une technologie de machine learning qui rend « un voyage dans le temps possible grâce auquel les années fondent ou s’accumulent au gré de vos envies ».
Alper Yesiltas
Série Young Age(d)
Robert Pattinson, 2023
Alper Yesiltas
Série Young Age(d)
Greta Thunberg, 2023
Alper Yesiltas
Comme si rien ne s’était passé
Michael Jackson, 2022
Alper Yesiltas
Comme si rien ne s’était passé
Janis Joplin, 2022
Marco Melgrati
Insta
, 2022
Gouache sur papier aquarelle
© Marco Melgrati
PAULA MODERSOHN-BECKER (1876-1907)
Femme, libre et émancipée
Sans le savoir, Paula Modersohn-Becker a été
précurseuse de l’image de la matérnité
. En mettant en scène sa grossesse sous forme d’autoportrait, on ne peut s’empêcher de constater qu’aujourd’hui, les célébrités et les anonymes théâtralisent leur ventre arrondi sur les réseaux sociaux : le corps enfanté entre féminisme et marketing de soi !
Autoportrait au 6e anniversaire de mariage
est un autoportrait grandeur nature, et
le premier autoportrait nu effectué par une femme
, sur lequel elle se représente le regard droit, portant son collier d’ambre qui ne la quittait jamais dans les dernières années, et tenant son ventre d’un air tendre et doucement ironique. Solidement campée sur ses jambes telle une idole primitive. Elle est enceinte, et c’est la première fois qu’une artiste se représente ainsi, avec un ventre rond devenant le centre de gravité du tableau.
En fait, Paula n’est pas encore enceinte dans cet autoportrait, il s’agit d’une prédiction ou d’un souhait.
L’année précédente, Paula Modersohn-Becker avait pris la décision de quitter son mari et de s’installer à Paris. Elle est revenue. Un an plus tard, en novembre 1907, elle met au monde un petite fille.
Elle mourra 18 jours plus tard, d’un accouchement difficile. Au moment de mourir, elle ne laisse échapper qu’un mot « Schade »
( dommage ).
Paula Modersohn-Becker
Autoportrait au 6e anniversaire de mariage
, 1906
[…] Et comme des fruits aussi tu voyais les femmes,
tu voyais les enfants, modelés de l’intérieur dans
les formes de leur existence.
Rainer Maria Rilke, 1908 (
Requiem pour une amie
)
JEAN-MICHEL BASQUIAT
(1960-1988)
Et l'urgence de vivre
Cet autoportrait brutal peint en 1982 est un exemple par excellence du style féroce et enragé de Basquiat, inspiré par plusieurs références, tels que des artistes contemporains comme Picasso ou Pollock, la musique jazz mais aussi l’abus d’héroïne.
La figure inquiétante de cet autoportrait fait également penser à ces statuettes mystérieuses des idoles de l’Afrique ancienne. Dans cet autoportrait, on retrouve les rites de l’artiste : remplir la toile de motifs issus de son environnement immédiat. Les influences, du graffiti, de son héritage haïtien et portoricain, de la culture latino-américaine et afro-américaine, de l’art aztèque, de l’art africain, de l’antiquité grecque et romaine sont présents dans sa toile.
Basquiat confronte souvent le racisme dans ses peintures en mettant en scène des figures noires qui affrontent des stéréotypes négatifs ou des injustices sociales. Ici, son corps est peint en un noir saturé, et montre son implication dans la défense de la cause noire-américaine.
Mort d’une overdose à l’âge de 27 ans, ce jeune ami de Warhol a élevé le street art au rang des beaux-arts. La stylisation primitive de cette figure toutes dents dehors, au nez épaté et aux dreadlocks en bataille, évoque l’image d’un chaman, d’un masque africain et d’un homme en colère.
Son portrait mêle révolte, indignation, bonheur et désespoir, tel un Narcisse se noyant dans le tourbillon de ses démons
.
Jean-Michel Basquiat
Self Portrait as a heel,
1982
Je ne pense pas à l’art quand je travaille.
J’essaie de penser à la vie.
Jean-Michel Basquiat, 1985
MARCO MELGRATI
Narcisse du XXI
e
siècle
Dans la mythologie grecque, Narcisse est un chasseur originaire de Thespies, en Béotie. Il est le fils de la nymphe Liriope et du dieu fleuve Céphise. Narcisse est doté d’une grande beauté ce qui lui vaut d’avoir tous les hommes et femmes à ses pieds.
La nymphe Écho tombe folle amoureuse de Narcisse. Mais elle est ignorée par ce dernier. Elle continue cependant à le suivre en répétant inlassablement la fin des phrases de Narcisse. Elle finit par mourir de désespoir. Plus tard, la déesse Némésis (la Vengeance) venge les dizaines de jeunes filles auxquelles Narcisse a brisé le cœur en faisant tomber désespérément amoureux Narcisse de lui-même. Cela lui est fatal, car, en voulant embrasser son reflet, il tombe dans l’eau et se noie.
De nos jours,
« être narcissique » signifie « trop s’aimer soi-même pour aimer les autres »
.
Aujourd’hui, de nombreux artistes dénoncent le
« narcissisme » des utilisateurs de réseaux sociaux.
Ici, l’artiste italien Marco Melgrati illustre son propos en reprenant la figure de Narcisse qui se noie
dans le reflet de son smartphone…
Le mythe de Narcisse a depuis les métamorphoses d’Ovide, traversé les époques. Toutefois, il semble que les réseaux sociaux aient ici un nouveau rôle à jouer. Ils sont devenus non seulement le nouveau miroir dans lequel on ne cesse de contempler notre reflet lissé et retouché par les filtres dans l’intention d’être vu par les autres, dans une sorte de nouveau théâtre de la représentation de soi. Mais surtout, ils apparaissent comme un nouveau moyen d’affirmation et de revendication
.
Marco Melgrati
Narcisse
, 2020
Photo DB
Le Caravage,
Narcisse amoureux de son image
, 1597-1599
Dèjà au XVI
ème
siècle, Le Caravage représentait Narcisse
non pas traité de l’Antiquité mais dans une tenue contemporaine
au peintre. Entièrement absorbé dans sa propre contemplation,
la bouche entrouverte, Narcisse touche à peine la surface de
l’eau qui n’est pas encore troublée par son mouvement, ce qui
signifie qu’il n’a pas encore compris l’inéluctable destin
qui est le sien…
Le seul Narcisse coupable
est celui qui trouve les autres laids
Le Théatre de Jean Giraudoux :
La folle de Chaillot (Édition 1951)
FRIDA KAHLO (1907-1954)
Entre corps souffrant et corps politique
Avant de se lancer dans la peinture, Frida, brillante élève, a un rêve : devenir médecin. Atteinte de poliomyélite à 6 ans, elle perd en partie l’usage de sa jambe droite et son pied ne grandit plus. Ses camarades de classe la surnomment même
« Frida la coja » (Frida la boiteuse)
.
À 18 ans, elle est victime d’un terrible accident de bus et reste hospitalisée pendant des mois. Ses parents lui fabriquent un chevalet sur-mesure qu’elle peut utiliser en étant allongée pour protéger sa colonne vertébrale très fragile.
L’autoportrait
L’autoportrait tient une place très importante dans l’œuvre de Frida. On en compte au moins 55 sur les 150 tableaux qu’elle a peints. En se mettant elle-même en scène,
elle exprime ses souffrances
: sa peinture devient
porte-parole de sa douleur
.
Son intérêt, qui prend un tournant au fur et à mesure, est clair :
elle veut défendre la condition et l’émancipation des femmes mexicaines
. Dans cette société « machiste », elle veut porter la voix de toutes ces femmes silencieuses et soumises. Cette figure de femme moderne lui colle à la peau. Elle n’hésite même plus en affichant publiquement sa bisexualité.
Frida Kahlo
La Colonne brisée
, 1944
Huile sur toile, 40 x 30.7 cm
© Museo Dolores Olmedo
Patiño / Mexique
Je peins des autoportraits parce que je me sens si souvent seule,
parce que je suis la seule personne que je connais le mieux.
Frida Kahlo
FRIDA KAHLO (1907-1954)
Entre corps souffrant et corps politique
Le collier
de Frida Kahlo est un colibri noir, mort. Les ailes déployées font écho aux sourcils de notre artiste. En effet, le colibri mort, dans la tradition mexicaine, est un porte-bonheur évoquant l’espoir. Le tableau est réalisé peu de temps après le divorce douloureux de Frida et Rivera, qu’apaisera, peut-être, le colibri. Ainsi, le colibri est attaché à
un collier d’épines
évoquant ses souffrances, référence à la couronne d’épines du Christ sur la Croix.
Le singe
: assis sur l’épaule de Frida, il fait référence au singe apprivoisé, offert par Diego Rivera. Ainsi, comme un ange sur son épaule, on peut supposer qu’il le représente. Le singe semble joueur, tirant sur son collier, lui infligeant une douleur.
Le chat noir
: symbole de sa dépression, de sa malchance, car le chat noir porte malheur et évoque la mort.
Les papillons
: plus discrets, ils se nichent dans ses cheveux. Un symbole d’espoir qui représente sa renaissance espérée.
Frida Kahlo
Autoportrait au collier
d’épines et colibri
,
1940
Huile sur toile
© Museo Dolores Olmedo
Patiño / Mexique
FRIDA KAHLO (1907-1954)
Entre corps souffrant et corps politique
Frida Kahlo questionne aussi les femmes et leur rapport au corps. D’abord le sien, celui qui a été mutilé à jamais, l’empêchant d’ailleurs d’avoir un jour des enfants. Assez lointaine, droite, elle ne laisse transparaître aucune courbe dans les traits.
Ce n’est pas anodin : elle déteste son sourire et sa dentition. Pour cette raison, elle ne se représente jamais avec une esquisse au coin des lèvres.
Frida Kahlo
Autoportrait au collier
d’épines et colibri
,
1940
Huile sur toile
© Museo Dolores Olmedo
Patiño / Mexique
MAIS AUSSI…
Rembrandt
réalise un gros plan sur son visage qui occupe presque tout l’espace, déborde même du cadre, surgissant devant le spectateur.
L’expression de stupeur, d’étonnement feint peut-être, ou de moquerie, est saisissante. Elle est accentuée par la torsion et le rejet de la tête en arrière. De plus, la position en diagonale et l’éclairage dirigé de haut en bas en diagonale également contribuent encore à dynamiser l’ensemble.
Cette étude d’expression devant le miroir est, comme
Rembrandt à la bouche ouverte
, davantage expérimentale que les autoportraits des débuts. L’artiste s’en inspira d’ailleurs pour exécuter la tête du personnage effrayé dans
La Résurrection de Lazare
, vers 1632.
Rembrandt van Rijn
(1606-1669)
aux yeux
hagards
, 1630
Eau-forte et burin, 50 x 43 mm
© BnF, département des Estampes
et de la Photographie
MAIS AUSSI…
Connu comme l’un des artistes les plus célèbres des XIX
ème
siècle,
Van Gogh
a constitué une impressionnante collection d’environ 30 autoportraits en quatre ans.
Malgré ses nombreux autoportraits, son œuvre la plus emblématique est Autoportrait à l’oreille bandée (1889).
Cette œuvre représente le tristement célèbre incident où Van Gogh s’est coupé l’oreille en raison du déclin de sa santé émotionnelle et physique, et met en évidence un bandage sur son oreille blessée.
Vincent van Gogh
Autoportrait à l’oreille
bandée
, 1889
Huile sur toile
© Courtauld Gallery, London
MAIS AUSSI…
D’autres artistes, à l’image de Courbet, Van Gogh ou Rembrandt, se sont représentés dans des conditions extrêmes, laissant peu de doute sur leur santé mentale fragile.
Courbet
s’attache à représenter un personnage en proie à la détresse, avec une expression saisissante proche de la folie.
La saisie de l’expression est très réaliste et frappante : ses yeux sont écarquillés et égarés, ses narines dilatées, sa bouche entrouverte, ses bras déployés dans une posture dramatique prêt à s’arracher les cheveux, etc…
On a l’impression que son visage va se projeter hors de la toile !
Gustave Courbet
Le Désespéré
, 1843-1845
Huile sur toile, 45 x 54 cm
© Collection particulière
NICOLAS AMIARD
la rencontre de deux « Arts »
Nicolas Amiard, artiste et photographe français s’empare du sujet à travers une série intitulée
Art of tattoo (L’art du tatouage)
, série dans laquelle il détourne plusieurs toiles de Maîtres tels que Manet, De Vinci, Courbet ou Ingres.
De
la Joconde
et sa gorge dévoilée à la nudité exhibée de
la Grande Odalisque
, les nus sont légions dans les musées. L’artiste tatoue virtuellement les hommes et femmes de ces célèbres toiles.
À travers sa série, il fait se rencontrer l’art du tatouage moderne et les peintres classiques de notre histoire.
Nicolas Amiard
Le Déjeuner sur
l’herbe de Manet
The art of tattoo, 2016
© Nicolas Amiard
Nicolas Amiard
La Joconde de
Léonard de Vinci
The art of tattoo, 2016
© Nicolas Amiard
Nicolas Amiard
La Grande Odalisque
d’Ingres
The art of tattoo, 2016
© Nicolas Amiard
NICOLAS AMIARD
la rencontre de deux « Arts »
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le tatouage n’est pas réservé aux périodes contemporaines ou aux régions du monde les plus éloignées.
Les grands artistes de toutes les époques l’ont représenté, avec curiosité, fascination, provocation ou encore révolte.
Des rituels polynésiens au marquage des déportés de la Seconde Guerre mondiale, des preuves d’amour aux messages politiques, le tatouage ponctue aussi l’histoire de l’art.
Après tout, n’est-il pas lui-même une œuvre d’art ?
Nicolas Amiard
Le Déjeuner sur
l’herbe de Manet
The art of tattoo, 2016
© Nicolas Amiard
Nicolas Amiard
La Joconde
de
Léonard de Vinci
The art of tattoo, 2016
© Nicolas Amiard
Nicolas Amiard
La Grande Odalisque
d’Ingres
The art of tattoo, 2016
© Nicolas Amiard
VALIE EXPORT
Et la jarretière polémique
Valie Export est l’une des artistes clés de la seconde moitié du XX
ème
siècle et l’une des plus brillantes représentantes de la première vague de féminisme qui a suivi l’émergence de l’art conceptuel à la fin des années 60.
Le 2 juillet 1970, sur une scène publique à Francfort, l’artiste se fait tatouer une jarretière sur le haut de sa cuisse gauche, une transgression radicale des stéréotypes de genre: à l’époque les tatouages étaient considérés comme l’apanage exclusif des hommes, en particulier des condamnés et des marins.
Le motif de la jarretière n’est pas non plus
anodin : ce petit bout de tissu est le symbole de la sexualisation de la femme.
En se tatouant une jarretière, et en l’affichant avec défi, l’artiste assume sa féminité comme un espace d’auto-détermination : « être une femme comme une construction politique et non comme un objet donné ». En d’autres termes,
Valie Export affiche son féminisme
!
Valie Export
BODY SIGN ACTION B
,
1970
© Valie Export
SHANNON HOLT
Le camouflage du corps
L’artiste américaine Shannon Holt réalise des peintures sur des corps, ce qu’on appelle plus communément « body painting ».
Ses œuvres éphémères représentent essentielle-
ment des animaux vivant en Floride, lieu de résidence de l’artiste.
Shannon Holt a essayé plusieurs supports tels que des toiles, du bois ou même du métal, et c’est cette recherche permanente qui l’a amenée à peindre sur la peau. Liant peinture et contorsion, ces corps forment des animaux, seuls ou en couple sur fond noir.
Shannon Holt
Hérons
, 2018
© Shannon Holt
SHANNON HOLT
Le camouflage du corps
Dès l’aube de l’humanité, nos ancêtres ont mis à profit la terre, l’argile ou le charbon afin de se peindre le corps, sans doute pour assurer le camouflage de chasse, assumer l’identité du clan ou encore partir en guerre.
Les sociétés tribales ont perpétué la tradition, se servant de pigments lors de
rites religieux, festifs ou identitaires
.
Ainsi, dans certaines tribus noubas du Soudan, les peintures corporelles indiquent l’âge et la place des hommes dans la société.
Shannon Holt
Hérons
, 2018
© Shannon Holt
Wim Delvoye
Tim, Tatooed skin
, 2010
© MONA, Hobart (AUS)
Shelley Jackson
Captures du projet Skin
© Shelley Jackson
Shannon Holt
Crocodiles
, 2015
© Shannon Holt
Shannon Holt
Renard
, 2018
© Shannon Holt
ORLAN
et ses beautés multiples
Artiste française née en 1947, Orlan vit et travaille entre la France et les États-Unis. Elle travaille l’art corporel depuis ses débuts dans les années 60 à l’aide de différentes techniques : peinture, sculpture, installations, performances, photographie, images numériques, biotechnologie L’artiste est particulièrement connue pour ses opérations de chirurgie esthétique retransmises en direct dans les musées. Entre 1998 et 2003, elle réalise les séries des
self-hybridations
.
Que retient-on d’ORLAN ?
Sa détermination à bousculer tous les codes, y compris ceux de la chirurgie esthétique. Elle se prend à témoin pour défaire la morale et la place de la femme dans la société.
Orlan
Série
Défiguration-
refiguration
Self-hybridations
précolombiennes
,
1998
Photographie
couleur, 150 x
100cm
Orlan
Série Défiguration-refiguration
Self-hybridation précolombienne
n°2
, 1998
Photographie couleur,
90 x 60 cm
Cibachrome on aluminium, ed. 7 ex.
ORLAN
et ses beautés multiples
Self-hybridations
est une série de photos-montages numériques où l’artiste hybride des visages de culture différente (amérindiens, précolombiens, africains,…). Orlan se sert de la photographie numérique pour transformer son visage.
Ici, elle ressemble à une indienne maya vivant à l’époque des pyramides précolombiennes.
Aux augmentations physiques viennent s’ajouter
les Self-Hybridations virtuelles
. Son image devient objet de combinatoires avec
différents standards de beauté catégorisés
(renaissants italiens, pré-colombiens, africains, amérindiens).
Orlan
Série
Défiguration-
refiguration
Self-hybridations
précolombiennes,
1998
Photographie
couleur, 150 x
100cm
Orlan
Série Défiguration-refiguration
Self-hybridation précolombienne
n°2, 1998
Photographie couleur,
90 x 60 cm
Cibachrome on aluminium, ed. 7 ex.
À l’aide de l’ordinateur, j’hybride ma propre image
avec celle des sculptures présentant ces caractères
pour créer une autre proposition, un autre modèle de beauté.
Orlan (Beaux-Arts Magazine, n°174, novembre 1998)
CINDY SHERMAN
Homme/Femme, l’ambiguité des corps
Dans
Untitled, #141
, ce n’est pas seulement un rôle étranger que l’artiste adopte.
S'appropriant une identité masculine, elle franchit la limite entre les deux sexes
. Cindy Sherman adopte ici la figure masculine aux fins d’une narration où la photographie s’apparente au cinéma pour mettre en scène une figure d’assassin.
Des prothèses comme le dentier, le cache-œil, servent ce déguisement où Sherman s’identifie à l’assassin prêt à bondir sur sa proie
.
Les éléments du décor ont disparu permettant au regard de se concentrer sur le personnage. Le plan moyen, qui le coupe au-dessus des genoux, intensifie l’action et attire l’attention sur l’attitude et le costume. Le reste de l’image n’est que flou et lumière métallique éclairant, comme un cauchemar, cette simulation d’assassinat urbain.
Cindy Sherman
Untitled, #141
, 1985
Cibachrome, 184,2 x 122,8 cm
© Brooklyn Museum
Dans son travail, l’artiste Cindy Sherman se met elle-même en scène à travers des déguisements lui permettant d’assumer de
multiples identités
.
Elle préfère néanmoins situer son oeuvre du côté de la performance plutôt que de la photographie, posant au cœur de son travail l’expérience du corps dans ses transformations et la perception de soi comme « autre ».
Avec ses (auto)portraits, Cindy Sherman nous tend un
miroir qui reflète l’obsession de notre société pour
l’apparence et l’image de soi.
© France TV.Arts
Je préfère m’utiliser moi-même et m’en remettre au
hasard, à l’imprévu. Me laisser surprendre.
Cindy Sherman, 2020
ET DÉJÀ EN 1920…
Marcel Duchamp et son double féminin
Début 1920, Marcel Duchamp propose à son ami photographe Man Ray un défi ! Dans le studio new-yorkais du photographe a lieu une curieuse séance de pose : Duchamp travesti et maquillé en femme, donne un visage à
une créature imaginée
pour réaliser et signer quelques-unes de ses œuvres. Cette
effigie ambiguë
, qui porte chapeau et rangs de perles, a déjà un nom :
Rrose Sélavy
.
Virtuose des jeux de mots, des calembours et des doubles sens, cette identité féminine faussement banale ouvre à de multiples interprétations : depuis le populaire « Rose, c’est la vie ! » jusqu’à « Eros c’est la vie » en passant par « La vie en rose » ou « arroser la vie »… Les doubles sens ainsi que le double R initial renforcent la duplicité du personnage auprès de l’artiste.
Man Ray (1890-1976)
Portrait de Rrose Sélavy
,
1921
© Musée du Louvre
ET DÉJÀ EN 1920…
Marcel Duchamp et son double féminin
Rrose avec deux R
se démarque ainsi du prénom le plus banal, aussi bien en France qu’aux États-Unis où vit alors Duchamp.
Celui-ci donnera évidemment tout au long de sa vie de fausses pistes et des explications contradictoires au choix de ce pseudonyme.
Lorsque Man Ray et Marcel Duchamp présentent Rrose à Paris en 1921 au groupe surréaliste d’André Breton, c’est un succès immédiat !
Man Ray (1890-1976)
Portrait de Rrose Sélavy
,
1921
© Musée du Louvre
Portrait d’un souverain Maya,
Bonampak (?)
Région de l’Usumacinta (600-800 après J-C)
Sculptures sur pierre
Palenque, Mexique
© Ancienne collection William P. Palmer III
et Galerie Emmerich, Zurich
Buste d’un haut dignitaire maya réalisé
entre 600 et 900 de notre ère.
© Photographie de Akg, Album
Cindy Sherman
Untitled #584
, 2020
© Collection privée
RINEKE DIJKSTRA
L’adolescence
LE DISCOURS
Pas assez enfant pour l’insouciance, mais pas assez adulte pour en avoir conscience, voilà ce que veut montrer la photographe à travers ses clichés dans sa série
Beach portrait, Island SC, USA
dans laquelle nous retrouvons des adolescents. Nous montrons ce corps, nous l’exhibons à la plage avec innocence. La recherche de liberté est bien plus importante à cette période de la vie.
L’INSTANT
Sans les trahir, l’artiste capte les adolescentes dans cet instant où, tentant de se cacher derrière une pose, les corps dévoilent justement tout ce qu’ils tentent de dissimuler : doute, maladresse, fragilité, innocence, et une émouvante beauté. La jeune fille américaine, photographiée sur la plage de Hilton Head Island, une station huppée en Caroline du Sud, se présente certes comme un reflet de sa culture – maquillée, parée de bijoux et portant un maillot de bain deux pièces échancré –, mais elle reste néanmoins avant tout
une lointaine parente de toutes les Vénus, celles des sculpteurs grecs comme celle de Botticelli
.
Rineke Dijkstra
Hilton Head, Island SC,
USA
, 24 juin 1992
Série Beach portrait,
Island SC, USA
© Rineke Dijkstra
Les adolescents m’intéressent parce qu’ils ne sont pas
vraiment conscients de l’image qu’ils renvoient.
Rineke Dijkstra
BOTTICELLI (1445-1510)
ou la Naissance de Vénus
VÉNUS
Réalisé à Florence, ce tableau reprend un thème de la mythologie gréco-romaine. Dans la civilisation grecque, Aphrodite est la déesse de la beauté et de l’amour. Les Romains l’appellent
Vénus
. Selon la légende, elle naît de l’écume des flots puis, portée sur un coquillage, apparaît sur l’île de Cythère.
À SAVOIR
Le modèle qui a servi à peindre le personnage de Vénus serait
Simonetta Vespucci
, épouse d’un marchand florentin. Elle passait pour être la plus belle femme de son temps. Elle est morte en 1476, d’une pneumonie, très jeune, à l’âge de 23 ans.
Sandro Botticelli
La Naissance de Vénus
,
vers 1485
Huile sur toile, 172,5 × 278,5 cm
© Galerie des Offices, salle
10-14 Botticelli
BOTTICELLI (1445-1510)
ou la Naissance de Vénus
Botticelli, artiste raffiné et intellectuel, ne se contente pas d’illustrer le mythe antique. Il reprend l’interprétation complexe du thème de l’amour établie par Platon dans
Le Banquet
.
C’est une recherche de beauté absolue accessible au terme d’un processus en plusieurs étapes : amour d’un beau corps, puis d’une belle âme, finalement amour du savoir, qui en est la forme supérieure
.
Le philosophe Platon définit deux principes : la Vénus terrestre, associée à l’amour charnel et à la fécondité, et la Vénus céleste, symbolisant l’amour divin.
La nudité dans la toile de Botticelli ne doit pas être interprétée dans un sens érotique.
Contrairement au Moyen Âge, qui associe le corps humain nu à la honte et au vice, la Renaissance voit dans la beauté physique le reflet de l’âme.
Sandro Botticelli
La Naissance de Vénus
,
vers 1485
Huile sur toile, 172,5 × 278,5 cm
© Galerie des Offices, salle
10-14 Botticelli
John Rankin Waddell
Réalité vs médias sociaux
Selfie Harm
, c’est le nom de l’un des derniers projets de John Rankin Waddell, alias Rankin. Le photographe a voulu montrer au travers d’une série d’images en quoi la retouche systématique de selfies peut poser problème.
Il détaille son travail ainsi :
« J’ai photographié des adolescentes et je leur ai donné l’image pour qu’elles puissent la retoucher ou mettre des filtres »
. Selon l’artiste, elles tenteraient ainsi de ressembler à leurs idoles, « pour obtenir des likes ». Le sujet dépasse évidemment la question du nombre de « j’aime » sur les photos de ces ados.
Comme le note le photographe, cette tendance à beaucoup retoucher doit aussi être liée à un sentiment d’anxiété produit ou accentué par les réseaux sociaux, et à ce qu’on nomme la
dysmorphophobie – le fait de voir ce qu’on juge être chez nous un défaut bien plus gros qu’il ne l’est
. « Il est temps de reconnaître les effets négatifs que les réseaux sociaux peuvent avoir sur l’image de soi », juge l’artiste. Paradoxalement, selon Rankin, les adolescentes préféraient toutes la photo non retouchée d’elles.
Rankin
Shereen, 18 ans,
« Selfie Harm »
© Rankin Photography Ltd /
7 sur 8
Rankin
Mahalia, 17 ans,
« Selfie Harm »
© Rankin Photography Ltd /
8 sur 8
Réalité vs médias sociaux : Selfie Harm est ma tentative
d’amener les gens à parler des choses qui mettent leur
santé mentale en danger.
Rankin
John Rankin Waddell
Réalité vs médias sociaux
DYSMORPHOPHOBIE SNAPCHAT
La « dysmorphophobie Snapchat » est un phénomène étudié par le corps médical. L’utilisation de filtres ou d’applications de retouches comme la populaire
Facetune
peut s’apparenter à une sorte de chirurgie esthétique virtuelle, et voire pousser à une vraie chirurgie. Les personnes qui en sont atteintes le subissent souvent sans s’en rendre compte.
Rankin
Shereen, 18 ans,
« Selfie Harm »
© Rankin Photography Ltd /
7 sur 8
Rankin
Mahalia, 17 ans,
« Selfie Harm »
© Rankin Photography Ltd /
8 sur 8
JOHANNA JASKOWSKA
Entre fascination et répulsion
L’artiste Johanna Jaskowska a imaginé un filtre qui permet de jouer avec la lumière, transformant nos visages et nos corps façon «cyborg».
« La beauté est forcément liée aux filtres de réalité augmentée. Mais elle n’est pas forcément synonyme de maquillage. J’ai été très influencée par la photographie, le cinéma, l’esthétique du futur. En photo, la lumière joue un rôle majeur. Avec la RA, on peut recréer cette lumière. J’ai commencé en expérimentant tous ces aspects – d’abord sur Facebook, puis sur Instagram. La plupart des filtres à succès aujourd’hui s’en tiennent à transformer notre visage en chat. Il y a aussi ceux qui allongent les cils et rougissent les lèvres. Les miens sont différents : il s’agit juste d’ajouter une fine couche étrange sur son visage. »
John Yuy
© johnyuyi / 2017
Johanna Jaskowska
Cyborg#6
, 2022
© Johanna Jaskowska
JOHN YUYI
ou les symboles numériques
John Yuyi, artiste né à Taïwan et basé à New York, se sert de corps digitaux comme
surfaces de lutte et de résistance.
Souffrant d’anxiété et de troubles bipolaires, il met en avant la dangerosité des réseaux sociaux par rapport à la perception de notre corps.
Le corps physique s’imprègne du corps numérique.
Il sonde notre dépendance aux réseaux sociaux et les traces qu’ils laissent sur nos vies.
Dès lors, les corps agissent comme une publicité de la personnalité et de la présence en ligne de leurs utilisateurs.
John Yuy
© johnyuyi / 2017
Johanna Jaskowska
Cyborg#6
, 2022
© Johanna Jaskowska
John Yuyi
Twitter
, 2017
© @johnyuyi / 2017
Johanna Jaskowska
Cyborg#4, 2021
Cyborg#7, 2021
© Johanna Jaskowska
TONY RUBINO
Hercule et son selfie !
Tony Rubino est un artiste contemporain américain né en 1966. Ses peintures et gravures ont été présentées dans des galeries à New York, Chicago, Washington et LA.
Ses œuvres cherchent l’extraordinaire dans l’ordinaire.
Hercule classique prend un selfie
est une œuvre puissante : nous sommes à la frontière entre
l’idéal du corps
et la représentation du XXI
e
siècle où la technologie prend le pas sur les émotions. L’artiste résume, ici, parfaitement le lien entre l’histoire de l’art et les réseaux sociaux.
Tony Rubino
Hercule classique prend un selfie
, 2021
Acrylique / lithographie sur toile
50,8 x 38,1 cm
©Tony Rubino
Tony Rubino
Hercule au repos
, IIIème siècle
Copie romaine d’après un original grec
© Musée Archéologique national de Naples
TONY RUBINO
Hercule et son selfie !
L’Antiquité va développer l’idée d’un
corps robuste et athlétique
pour les hommes à l’image d’Hercule en instaurant le culte des héros, et d’un corps bien proportionné pour les femmes.
Ces corps féminins harmonieux étaient des signes de bonne santé, mais c’est la forme du squelette, et en particulier de larges hanches, qui donnent l’assurance d’avoir des capacités « reproductives ».
Durant cette période, la représentation des corps est soumise à des règles strictes de proportions.
Tony Rubino
Hercule classique prend un selfie
, 2021
Acrylique / lithographie sur toile
50,8 x 38,1 cm
©Tony Rubino
MAIS AUSSI …
ILYA VOLYKHINE
est un peintre figuratif contemporain basé en Nouvelle-Zélande. Le travail de Volykhine intègre de nombreux sujets, sources et références. Il manipule l’espace, la surface et la technique pour créer des peintures à la fois perversement hilarantes et profondément méditatives, rejetant la logique narrative traditionnelle.
Son sujet de prédilection ? Travailler sur la relation entre l’homme et son smartphone
.
JAMIE LEE
La peinture Pop de Jamie Lee repropose, dans une version contemporaine, le style figuratif et la technique de peinture de Roy Lichtenstein.
Un maître qui, inspiré par les panneaux d’affichage et les affiches publicitaires de son époque, a créé des œuvres aux traits cartoonesques et, en même temps, cinématographiques, c’est-à-dire en imitation des divas iconiques du cinéma.
Fabuleux cheveux chérie
hérite du sujet féminin blond et de l’utilisation de la technique des «Ben-Day dots», par laquelle le teint de la protagoniste du tableau est éclairé par la superposition de petits points d’intensité chromatique différente, soulignés par les contours noirs déterminants du dessin. Il en résulte une juxtaposition de formes et de couleurs contrastées, ce qui rend l’œuvre à la fois attrayante et « dérangeante ».
Le thème abordé par
Fabuleux cheveux chérie
est extrêmement contemporain, car
il fait clairement référence au monde des selfies et des médias sociaux, sur lesquels des « mises à jour » même inutiles sur l’état de nos cheveux sont souvent partagées
…
Ilya Volykhine
Toute son attention
,
2022
Huile sur papier, 178 x
125 cm
© Collection privée
Jamie Lee
Fabuleux cheveux
chérie
, 2021
Acrylique sur toile,
70 x 70 cm
© Collection privée
FRANCESCA WOODMAN
(1958-1981)
La biographie visuelle
Francesca Woodman a réalisé ses autoportraits iconiques dans des intérieurs abandonnés, privilégiant le noir et blanc et les poses sophistiquées, à travers lesquels elle a documenté
le passage de l’adolescence à l’âge adulte, vécu à travers son expérience individuelle
.
Ses photographies peuvent aussi être considérées, à certains égards,
comme les précurseuses du selfie d’aujourd’hui
, puisque Woodman, en se choisissant comme protagoniste, a documenté l’histoire de sa vie.
Son fascinant travail sur l’autoportrait, la disparition, le flou, exalte l’effacement de soi. Le miroir la captive, elle s’y engouffre. Miroir reflétant ou miroir déformant, elle imprime la trace de l’éphémère passage de son corps qu’elle choisit de fragmenter. Elle construit un monde imaginaire, mystique et poussiéreux, un monde intime et tragique où elle joue avec son identité, se rend invisible en s’incrustant dans le décor.
Entre présence et absence, elle explore inlassablement son angoisse d’exister
.
Francesca Woodman
Autoportrait à 13 ans
, 1971
Autoportrait
, 1975-1980
Space2, Providence, Rhode Island
, 1976
Self Deceit
, 1978
Autoportrait
, 1979
Impressions sur épreuve à la gélatine argentique,
13.7 x 13.3 cm
© George and Betty Woodman
Robert Cornelius
Autoportrait
, 1839
Daguerréotype
(Au dos on peut lire : The first
light picture ever taken.)
© BnF
Andy Warhol
Self-Portrait
, 1963
© Collection privée
Kevin Lau
Réseaux !
, 2020
© Kevin Lau
Christian Boltanski (1944-2021)
Le Corps Mémoire
De 1970 à 1973, Boltanski crée les
Vitrines de références
en détournant les codes muséographiques : des objets hétéroclites, trouvés ou fabriqués par l’artiste, sont exposés dans des vitrines, comme les témoignages répertoriés d’une vie banale dont il ne reste que des traces touchant l’absurde parfois. Cette vitrine rassemble les traces des gestes artistiques de Boltanski pendant la période 1969-1971.
Une petite étiquette dactylographiée identifie chaque élément - photographies, textes manuscrits, sucres taillés, objets modelés, boulettes d’argile …
Influencé par ses visites au
Musée de l’Homme
, où les témoignages des Grandes cultures disparues sont présentés sous des vitrines, Boltanski a voulu exposer ses premières créations, que le temps rend incompréhensibles.
Si leur sens est perdu, leur pouvoir évocateur est désamorcé par le dispositif muséal qui fige le temps pour les préserver.
Christian Boltanski
Vitrine de référence
, 1971
Boîte en bois peinte sous plexiglas et contenant :
photos, cheveux, bribes de vêtements de l’artiste,
éhantillon de son écriture, page de son livre de
lecture, entassement de 14 boulettes de terre, un
piège composé de trois objets faits de morceaux de
tissu, fil de fer, épingles.
59,6 x 120 x 12,4 cm
© Centre Pompidou / Paris
BANKSY
Quand le corps sort du cadre...
ou s'auto-détruit
À L’ORIGINE
La Fille au Ballon
Avant même la vente, la peinture au pochoir réalisée sur un mur de la rive sud de Londres dès 2002 (sur le pont de Waterloo à South Bank), avait été désignée comme l’œuvre d’art préférée des Britanniques.
Le graffiti représente une petite fille dans une robe noire, qui tend la main vers un ballon rouge en forme de cœur qui s’envole. À la droite de la jeune fille est inscrit
There is always hope (Il y a toujours de l’espoir)
.
La Fille au Ballon
a été
conçue pour être vue par ceux qui ont perdu ou qui perdent espoir
. Le mur londonnien qui abrite à l’origine cette œuvre d’art n’est pas bien entretenu. L’œuvre est peinte à la bombe dans ce qui est probablement un quartier pauvre, plein d’espoirs et de rêves mourants.
ET ENSUITE :
L’Amour est dans la poubelle
Le 6 octobre 2018, Sotheby’s organise la vente de
La Fille au Ballon
, acquise par un particulier pour 1,2 million d’euros. Mais au moment où le marteau tombe, un broyeur à papier caché dans le cadre de l’œuvre avait été actionné pour dénoncer la « marchandisation » de l’art, et avait réduit en lambeaux la moitié inférieure de la toile ne laissant voir que le ballon sur fond blanc : une partie de l’œuvre est alors sortie de son support, découpée en fines lamelles.
Cette action a engendré une « nouvelle œuvre» rebaptisée par l’artiste
L’Amour est dans la poubelle (Love is in the Bin)
.
Banksy
La Fille au ballon / L’Amour est dans la poubelle
,
2018
Diptyque
© Collection privée
BANKSY
Quand le corps sort du cadre …
ou s’auto-détruit
ANECDOTE
Un tour de Banksy qui a tweeté dans la foulée de la vente : « Adjugé, vendu ! ».
Sotheby’s, la maison d’enchères, a assuré ne pas être au courant, et a avoué s’est faite
« bankser ».
Une pirouette de l’artiste, qui n’a jamais dévoilé son identité, et qui montre qu’une œuvre d’art, qui vaut plus d’un million d’euros, peut ne plus rien valoir en un clin d’œil.
Banksy
La Fille au ballon / L’Amour est dans la poubelle
,
2018
Diptyque
© Collection privée
JONATHAN HARRIS
Quand le corps devient un flux d’émotions
Jonathan Harris est né en 1979. Ses différents projets artistiques investissent la question des relations humaines, mais aussi de notre rapport aux technologies.
Depuis 2005, il a constitué un catalogue de sentiments humains extraits de réseaux sociaux à travers le monde :
We Feel Fine
.
À des intervalles réguliers de quelques minutes et à l’échelle de la planète, le système informatique que l’artiste a mis en place recherchait les nouvelles entrées de blogs et extrayait les phrases contenant les expressions « I feel » ou « I am feeling ». Lorsque le système trouvait une telle phrase, elle était enregistrée en entier et le sentiment exprimé dans la phrase catalogué suivant les catégories suivantes : bonheur, tristesse, dépression etc.
Le résultat de ce projet est une base de données de plusieurs millions d’expressions, de sentiments humains augmentant de 15 à 20 000 entrées par jour
.
Jonathan Harris
We Feel Fine
, 2005-2006
Projet A/R
© Jonathan Harris
JONATHAN HARRIS
Quand le corps devient un flux d’émotions
L’œuvre apparait comme un amoncellement de particules de couleurs, ou de constellations représentant les émotions humaines – comme par exemple
le bleu foncé pour la tristesse, le turquoise pour ce qui est beau, le vert foncé lorsque l'on se sent malade, etc…
Ces particules nagent sur un écran noir et apparaissent comme un monde, une communauté de phrases d’émotions qui s’établissent. Lorsque l’on clique sur une de ces particules de couleur une phrase apparaît, faisant l’étalage d’un sentiment humain, tel que « I feel bad » lorsque nous cliquons sur une particule bleu.
Dès lors, d’autres particules s’accumulent autour de la première, des particules qui s’auto-organisent et se comprennent entres-elles, se répondant entres-elles, car le même terme peut englober bien des émotions.
Jonathan Harris
We Feel Fine
, 2005-2006
Projet A/R
© Jonathan Harris
Yves Klein
performance
, 1962
Yves Klein
Anthropométrie de l’époque bleue (ANT 82)
, 1960
Pigment pur et résine synthétique sur papier
marouflé sur toile, 155 x 359 cm
Banksy
Les Glaneuses
, 2008
© Bristol City Museum
Jean-François Millet
Les Glaneuses
, 1857
Huile sur toile
© Musée d’Orsay